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Chez le Psy…séance n+25

Paul était arrivé à ce dernier rendez-vous, comme un coureur du Tour de France qui appartient à l’équipe victorieuse et termine la grande boucle par une étape considérée comme relativement facile qu’il débute avec une coupe de champagne à la main.

Devait-il être reconnaissant à celui qui, en prolongeant la comparaison, pourrait être son manager d’équipe, celui qui vous encourage dans les étapes de montagne ou vous suggère une stratégie pour être dans l’échappée qui ira jusqu’au bout et se départagera au sprint ?

En quelque sorte, il se considérait sur les Champs Elysées et Alice, Agnès et Pierre et plus tard, Joseph et Jeanne qui l’avaient aidé à se sortir de son marasme étaient dans la foule, venus l’applaudir avant qu’il ne monte sur le podium…Peut-être étaient-ils dans la foule mais en fait, ils avaient plutôt porté le même maillot que lui, avaient plutôt fait partie de la même équipe et lui avaient apporté, qui un bidon lorsqu’il avait besoin de récupérer, qui, une roue lorsqu’il avait crevé et peut-être même Pierre lui avait-il passé son vélo pour qu’il ne prenne pas trop de retard au classement général !

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Départ à la guerre des cinq frères Prat’

Lorsque le 1er août 1914 est décrétée la « mobilisation générale de tous les hommes valides » à la suite de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France et que toute la future Europe s’embrase, ils n’ont que quatre et trois ans.

Bien que persuadés que cette guerre sera courte et qu’après un petit tour à Berlin, ils seront de retour, les cinq frères Prat’ confient l’entreprise aux femmes et surtout à leur mère. Le carnet de commandes est bien plein mais les ouvriers sont eux aussi obligés de monter dans les trains qui démarrent de la gare et seuls restent les plus âgés.

Les épouses sont tristes, bien sûr, mais on leur dit tellement que les hommes seront de retour avant les bourgeons du printemps qu’elles pensent qu’elles devraient tenir le coup jusque-là. Pourvu qu’ils aient une permission à Noël pense Jeanne au moment où, ses deux garçons accrochés à sa robe, elle donne un baiser à Lucien sur le pas de la porte de la rue Vauban...

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Trahisons écossaises !

La première fois où je l’ai rencontré, il m’attendait, modeste et discret, dans le couloir de la maison de mes grands-parents ; ils l’avaient recouvert d’un « papier cadeau ». Ils m’avaient acheté un vélo pour ma réussite à l’examen de sixième ; deuxième du canton ! Ma grand-mère qui était institutrice en était très fière et estimait que je méritais cette récompense, un « Finaflora » que grand-père avait acheté chez le marchand de cycles du quartier, "chez Trichet" !

On était en 1953 et au sortir de la guerre, le vélo représentait un bien de consommation que la Manufacture de Saint Etienne avait été une des premières à satisfaire, sous la forme d’une fabrication uniquement de vélos dotés d’une barre sur le cadre, de vélos pour hommes !

De couleur verte, ma couleur préférée, je ne cessais de le regarder, de l’admirer, de l’astiquer le soir après une journée d’allers et retours dans ce quartier très calme que constituaient les rues du Château d’Eau et Emile Faguet à La Roche-sur-Yon.

Mais ce qui générait, chez moi, le plus d’admiration, c’était son dérailleur…

…Côtes, descentes, côtes, descentes étaient une fois de plus à notre programme, les paysages étaient comme à l’accoutumée magnifiques, vers 10h le soleil avait décidé une timide apparition qui ne permettait pas encore à la route de sécher, quand, tout à coup, un peu intrépidement en tête du peloton, je pris en compte juste après un virage, une barrière en travers de la route.

Que faisait-elle là ?...

Nouvelle présentée au Salon du livre de Riantec, 2016

La Terre est invitée chez le Feu

Grand dîner, ce soir, dans la ferme du Tromeur à Plouarzel.

Le Feu a convié ses amies la Terre et l’Eau à un Kig ha Farz, traditionnellement préparé par Martine, la patronne de la charcuterie « Au panier breton ».
Plouarzel, c’est ce village le plus à l’ouest de la France où ils se retrouvent chaque été et s’invitent à tour de rôle chez l’un ou l’autre ami. L’Air très tiraillé par ses cousines, l’atmosphère, la stratosphère et la troposphère a, une fois de plus, décliné leur invitation bien qu’il trouve parfois sa place au centre du très symbolique Triskel, si cher aux Celtes.
C’est ça, avait dit un jour la Terre, créons une association à but non lucratif et appelons la « La Triskel ». Le feu s’était insurgé et avait rétorqué : "non, Le Triskel !"
Et depuis ce jour là, chaque été, la Terre, le Feu et l’Eau se retrouvent pour faire le point sur leur place respective sur cette planète où la vie n’est pas facile et où l’on parle de réchauffement climatique, de déséquilibre écologique, de gaz à effet de serre, de transition énergétique…

Ce soir, la Terre est arrivée la première, drapée dans un voile de brume…

Nouvelle présentée au Prix de la Nouvelle du Mans, 2015.

Derrière la porte…Une vie de souvenirs

« Ne soyez pas triste, je suis dans la pièce à côté » Charles Péguy.

En cette période très proche de Noël, Pierre-Marie passait ces journées dans le service d’oncologie de cet Hôpital qu’il connaissait si bien, qu’il avait quitté avec une immense tristesse et où il avait vécu des moments humainement très difficiles.

Il avait une confiance sans limite dans les professionnels de santé et lorsqu’avec son médecin traitant ils avaient analysé ses résultats de biologie, il avait compris qu’il lui fallait se préparer à vivre "une autre vie".

Il régnait dans et autour de la chambre où il était hospitalisé, une ambiance de mystères, de discrétion absolue. Elle avait été aménagée pour recevoir des personnes importantes dont des chefs d’état étrangers et rien de ce qui se passait derrière la porte de la chambre 7 ne devait être connu.

Lorsque le médecin chef l’avait mise à sa disposition, il avait prononcé cette phrase presque historique :

- Tu la mérites bien !

Aujourd’hui, comme hier et comme demain, si l’échéance incontournable laissait au temps le temps d’un lendemain, …


Nouvelle présentée au Salon du livre de Riantec, 2014.

Si le Baron Haussmann voyait ça !

Georges Eugène Haussmann avait quitté sa ville depuis bien des années lorsqu’il reçut un appel téléphonique d’un de ses anciens collaborateurs devenu ami qui, au retour d’une ballade dans Paris s’était dit : "si le Baron Haussmann voyait ça !" ; Etienne l’avait alors invité à lui rendre visite en cette fin du mois de novembre.
À la sortie de la Gare Montparnasse, la première surprise du Baron, en dehors de cette tour incongrue, fut de constater le nombre considérable de voitures qu’il y avait encore dans Paris alors qu’il lisait partout qu’il fallait favoriser le transport en commun, le covoiturage et les énergies alternatives pour lutter contre la pollution atmosphérique, l’émission de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique.
Son ami était d’ailleurs venu, lui-même, le chercher en voiture…

Nouvelle présentée au Concours de nouvelles Musanostra à Bastia, le 21 octobre 2013

Jalousie à Langoz’vraz

La vie n’était pas facile à « Langoz’vraz » et l’ambiance au travail morose, en ce mois de mars de l’année 1958. Tous les dimanches, à la sortie de la grand messe à Landunvez, on comptait les jeunes qui étaient encore là et chacun demandait à l’autre : "t’as pas reçu ta feuille de route ?"

Jean-Yves, le père, savait que Jean-Marie, l’aîné, ne partirait sans doute pas parce qu’il serait reconnu « soutien de famille » mais Pierre-Yves, le célibataire, à ce qu’on disait, c’était d’un jour à l’autre. Le Maire lui avait confirmé, la France avait besoin de forces vives … et Pierre-Yves en faisait partie !
Oubliés l’âge du père, ses gros ennuis de poumons, les semis, les récoltes de blé et de maïs, la traite et les vaches à amener au pré ou à rentrer … la France avait besoin de lui en Algérie pour traquer les fellaghas, mais la ferme avait besoin, elle, de ses deux fils

Il fallait bien reconnaître que beaucoup se détournaient de Jean-Marie et de son épouse Marie-Jeanne qui le dimanche, habillés en beau pour la messe, étaient entourés de leurs trois filles. Ce n’était pas à cause des filles bien sûr mais tout le monde savait qu’ils avaient un peu mis la "charrue avant les bœufs", avaient fait "Pâques avant Carême" et à leur âge 26 ans, la petite Louise avait déjà 8 ans !
Ils apparaissaient au pays comme insensibles aux problèmes quotidiens, comme si la vie était différente pour eux.
Un jour, après une journée de travail harassante et qu’il était rentré au café pour boire une limonade, Jean-Marie avait entendu ses supposés copains qui jouaient avec lui dans la même équipe de foot dire :

"Eh ben, si j’avais su, j’aurais engrossé une fille de bonne heure et comme ça, je serais soutien de famille !"

Lui, qui n’était pas très porté sur les disputes avait répondu instantanément :

"Pas la peine d’être jaloux, Joseph. Pour engrosser une fille comme tu dis et en l’occurrence c’est de Marie-Jeanne qui n’a jamais voulu de toi dont il est question, il faut déjà que tu lui plaises et qu’elle veuille bien coucher avec toi. Tu vois de quoi je parle, Seph !"


Nouvelle présentée au Salon du livre de Riantec, le 23 juillet 2013.